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samedi 17 décembre 2022

La branche de poirier.

Décembre 1943.


Il pleut en cet hiver sinistre. Le ciel s’est mis en deuil. Chaque jour, des milliers de bombardiers lourds, anglo-canadiens, américains, survolent le Nord de la France à haute altitude. Direction l’Allemagne où ils vont déverser des tonnes d’acier. Certains se perdent, s’écrasent, larguent leur cargaison de mort parfois ailleurs… De l’autre côté du canal s’élèvent les murs de la prison. Là, cachés à la vue du monde effrayé, croupissent entre deux tortures : des instituteurs, des cheminots, des ingénieurs, des ouvriers et des ouvrières, des infirmières, des femmes et des hommes… Les convois de camions bâchés les emportent vers Malines où des trains de mort les attendent… On s’efforce de ne pas y penser. D’ailleurs en 1943, qui peut penser l’impensable?

Le monde frappé de frénésie, tue… Dans les airs, sur terre, sur et sous la mer, de la Baltique aux déserts  d’Afrique, le monde tue…

Une jeune femme de 22 ans porte un petit enfant dans les bras. Elle est si maigre que sa famille, inquiète, la surnomme le fantôme… Elle et son mari de 21 ans ne sont pas tristes, ils n’ont pas le temps de se consacrer à la mélancolie, survivre prend toutes les heures de la journée et ne permet pas de s’apitoyer sur soi-même. Flancher, c’est périr… Une journée à la fois …

Et pourtant, Noël approche comme à chaque année, un Noël de guerre de plus. Et nul ne sait encore pour combien de temps?

Le jeune homme s’affaire dans l’appentis derrière la maison ouvrière. Il a déniché trois bouts de tilleul et deux pots de peinture et, soir après soir, il taille, il sculpte, il s’applique à peindre un pantin naïf. Un Pinocchio d’Occupation qui, dans sa simplicité, révèle toute sa vérité et son importance.

Mais il n’y a pas de sapin…

Qu’à cela ne tienne, le vieux poirier du jardin n’a pas survécu au terrible hiver 1940. Il est mort de froid ou de tristesse, à quoi bon donner des fleurs et des fruits à un monde en furie?

Armé de sa scie, le jeune père coupe une basse branche. Il l’emporte dans la la remise et badigeonne son trophée en blanc. Avec des restes de papier peint, il fabrique des guirlandes et, à l’aide de bouts de ficelle, il attache de menus cadeaux. Des brimborions, des petits bonheurs de quatre sous. Il l’emporte dans la cuisine et dépose au pied de la branche le pantin souriant. Petit Pierrot sera content…

Ce sera Noël quand même, et quoi que disent les anciens, il n’y aura même pas d’oranges… Le petit Pierrot ne connaîtra sa première orange qu’un an plus tard, en 1944. Une orange donnée par un grand diable de GI de l’État de New York ou de la ville de Chicago… Chaque Noël, le jeune homme devenu plus âgé écoutera Glenn Miller, c’était pour lui, son hymne à la liberté retrouvée…

Ma mère me contait cette histoire bien souvent. Une des innombrables anecdotes de cette génération martyre. J’y pense davantage à chaque Noël qui passe. 

Si vous trouvez injuste de remplacer cette année la dinde par un gigot, si vous trouvez que les huîtres sont trop chères et que le champagne, ce n’est plus ce que c’était. Dans vos maisons aussi douillettes et confortables que la mienne, faites comme moi, pensez (sans culpabilité, il ne faut pas être hypocrite…) mais avec reconnaissance à la vie qui est la vôtre, qui est la nôtre. Pensez à cette branche de poirier qui a  illuminé un Noël de guerre et à un petit pantin de bois qui fit sourire un enfant, un pantin couleur d’espoir…

Réfléchissez au fait  que Kiev n’est pas si loin. Qu’en Iran, on continue de torturer et d’exécuter des instituteurs, des cheminots, des ingénieurs, des ouvriers et des ouvrières, des infirmières, des femmes et des hommes…

Peut-être que cette année, vous n’aurez peut-être pas l’ensemble de vos invités autour de la table? Peut-être que vous serez cloué au lit avec une grippe? Que vous serez un peu plus triste parce vous penserez à celles et ceux qui ne sont plus parmi nous? Mais l’espace d’un instant, pensez à une vieille branche de poirier peinte en blanc dans cette cuisine où ne cuisait rien. Cette branche qui donna une clarté plus grande que n’importe quel sapin, et à ce pantin qui fit sourire le petit Pierrot qui, depuis, a rejoint les siens…

Alors comme à mon habitude, en regardant les miens et à l’approche des fêtes, je m’incline et je dis merci…


Bon Noël et paix aux femmes et aux hommes de bonne volonté. (il en existe encore et bien plus que l’on pense.)



 

mardi 6 décembre 2022

Une énigme scientifique...


 

Tant de matière grise utilisée pour distiller des idées noires… Quel gâchis!  La simplicité de la nature n’est qu'apparence. Une thèse, longtemps admise, nous dotait jadis de 10 milliards de neurones. Depuis une quarantaine d’années, il est admis que nous frisons plutôt le chiffre de 30 milliards… Des connexions aux autres de 100 à 1000 voir 10 000 fois en instantané.(Sauf pour Hanouna… Mais il faut bien une exception).
Le nombre de connexions théoriquement possible peut se calculer mathématiquement (un calcul simple mais astronomique), 10 à la puissance 80, le chiffre 10 suivi de 800 zéros!
Un nombre immensément supérieur à celui du nombre d’atomes dans le cosmos…
Nous possédons l’hyper complexité de l’univers dans notre tête… (Bon, il y a quelques trous noirs sans interactions notamment dans la constellation Hanouna, dans le nuage de Francis Lalanne et la galaxie Bigard, une espèce d’anti-matière du raisonnement).
Et tout ça pour finir sous une pancarte un samedi après-midi entre Nation et République … Ou regarder Michel Drucker et le grand show des années 80… 
On ne va pas ajouter que ça fait réfléchir, certains risquent une hernie du corps calleux… Mais ça laisse rêveur!



jeudi 1 décembre 2022

Elles ou Ils...

 

Elles ou ils hantent souvent les rayons des solderies pour trouver 3 mètres  de papier crépon, une pochette de stylos, une rame de papiers de couleurs , dix paquets de gommettes… 

Elles ou ils récupèrent les rouleaux de carton du papier toilette (c’est fou ce que l’on peut fabriquer avec ces petits cylindres), les papiers d’emballage et les vieux magazines pour faire de la pâte à papier… De la terre du jardin, deux trois paquets de semences pour montrer comment la nature peut être splendide.

Elles ou ils trouvent des pistes, des filons, n’attendent pas toujours d’avoir la subvention qui mettra quelques mois à arriver, ils pressent le mouvement en puisant dans  leur budget personnel, de bon cœur car le jeu vaut véritablement la chandelle.

Elles ou ils défrichent, déboisent les préjugés, arasent les différences, démontrent chaque jour que la laïcité combat l’obscurantisme et ouvre d’innombrables horizons. 

Elles ou ils ne sont pas les gardiens du savoir, elles ou ils ne gardent rien pour eux, délivrent généreusement et sans compter, tentent d’ éclairer la route de milliers de gamins avec de minuscules flambeaux qui irradient parfois toute la vie.

Elles ou ils ne demandent que peu de choses : le respect de leur mission et juste un peu d’aide, la démonstration, par toutes et tous,  faite aux petits que seules la connaissance et l’éducation sont les portes à ouvrir pour obtenir la liberté, qu’ il n'existe rien au-dessus que le verbe instruire …

Elles ou Ils hantent souvent les solderies pour trouver la décoration de Noël ou de Pâques pas trop chère afin de  rendre le service plus joli et plus gai.

Elles ou Ils organisent pendant leurs trop rares week-ends des kermesses, des goûters, des loteries pour obtenir les trois sous nécessaires à la prochaine sortie à la mer ou au restaurant, pour que les résidents accrochent un sourire à leur attente.

Elles ou ils sont souvent tiraillés entre leur famille à la maison et leur famille à l’hôpital, l’hôpital  qui n’est pas une entreprise mais juste un lieu de vie…  C’est parfois difficile, c’est toujours difficile…

Elles ou Ils ne demandent que peu de choses : une réelle compréhension et non pas un salmigondis de  phrases toutes faites.  Elles ou Ils ne sont pas les dépositaires de la santé et du bien-être. Elles ou Ils ne comptent pas le temps, c’est long douze heures de service… Elles ou Ils ne demandent qu’un peu d’aide, la confirmation que seules l’empathie et la compassion  sont les portes à ouvrir pour obtenir l’humanité, car il n’existe rien au-dessus que le verbe soigner, sauf peut-être le verbe instruire qui est son parent.

Instruire, soigner… Elles ou Ils ont choisi,  disent les esprits étriqués. Mais ce n’est pas un choix, juste une évidence, Elles ou Ils ont parfois des doutes, mais ils avancent parce qu’elles ou ils sont dans le réel, la vie.

Traverser et partager votre vie  entre ces deux familles, ceux qui instruisent et ceux qui soignent vous fait évaluer la chance qui est la vôtre.  Vous éprouvez comme un regret tardif d’avoir évolué dans un monde artificiel où le paraître supplante l’être. Ce sont Elles et Ils qui m’ont rendu meilleur et qui m’ont enrichi dans ma connaissance de l’autre.

Alors, on s’incline et on dit merci …



Au commencement…

Un bruit se fit entendre dans le sous-bois, peut-être était-ce une branche. Son craquement sec et sonore piqua la curiosité de l’animal. Pui...