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mercredi 15 février 2023

23 août...

 

Le soleil d’été exacerbe l’ombre sous le hêtre  pleureur. Accoudé à la table d’orientation, je contemple les brumes s’étirant sur la plaine.. Les silhouettes s’estompent en ce 23 août, et transforment le paysage en un autre temps mais en un même lieu.
23 août 1328… Campés sur les flancs du Mont Cassel, Nicolaas Zannekin, chevalier paysan  et ses insurgés regardent les 29 bannières de l’Ost de Philippe VI ravager les villages aux alentours. On lui a refusé de fixer “jour de bataille”, prétextant que les hommes de Flandre sont “gens sans chef”. Qu’importe, on attendra le soir. Les insurgés, descendant du mont silencieusement, vont mettre la panique chez les chevaliers en chemises et endormis. L’ost en déroute n’a que le temps de fuir vers Saint-Omer avec en tête l’image du carnage de Courtrai infligé à leurs pères par les hommes libres de Flandre.
Ils reviendront…
Zannekin et ses hommes forment le cercle et luttent coude à coude. L’ost du roi n’a cure des couteaux des insurgés, elle fauche à longueur d’épée les têtes en une moisson sanglante… Il n’y aura aucun survivant. Le soir d’été descend sur Cassel en flammes, et la sinistre silhouette  du comte du Hainaut se découpe sur le rouge horizon, le prélude d’une guerre à venir qui va durer 100 ans…
“ Papy! On va manger une crêpe?”
Le soleil a tourné, et le songe éveillé est terminé… Derrière le tronc du Hêtre des rencontres, une présence éthérée se dessine. C’est Nicolaas Zannekin qui me rappelle que les Flamands ont survécu, au creux des ruelles et sur les flancs du Mont, les bannières ont pâli, la colère est restée.
Mais c’est l’heure du goûter, descendons vers la place…


samedi 4 février 2023

Lectures croisées...

 





Jérôme Bosch, ce peintre fascinant qui restera à jamais une énigme  continue d’exercer son influence même en ce début du 21ème siècle .  Mon intérêt pour ce peintre a débuté très tôt et par un souvenir extrêmement précis (et très ancien…). C’est lors d’une visite de classe  aux Palais des Beaux Arts de Lille, en CM1…  Que je suis tombé en arrêt sur une toile de Dirk Bouts (datée vers 1450-1468) :  La Chute des damnés. Contemporain de Bosch.  Ces bons primitifs flamands ne pouvaient  qu’ intéresser un demi-flamand à moitié primitif tel que  moi… C’est probablement  à partir de ce jour  qu'a prospéré mon goût pour le fantastique, cet intérêt est toujours présent.

Le mystère Jérôme Bosch se lit comme une enquête miroir à travers le temps, avec une érudition, une imagination et une réflexion intelligente pour l’ésotérisme qui baignait la vie quotidienne des lettrés d’alors…. Jubilatoire comme peuvent l’être les livres du regretté Umberto Eco.

“Le peintre dirigea son regard vers la partie supérieure du volet droit, où des créatures dantesques surgissaient du ciel et de la terre pour punir Nabal. Même dans ses pires cauchemars, il n’avait jamais vu de pareils monstres.

«Que se passe-t-il dans la tête de cet homme pour qu’il peigne de telles horreurs? Est-il possédé par le diable ou son imagination est-elle simplement plus fertile que la nôtre?»

Petronius avait sursauté en entendant la voix de Baerle derrière lui, mais s’était aussitôt ressaisi.

«C’est un don très rare de pouvoir donner forme aux peurs indicibles des hommes, répliqua-t-il. Ces êtres fantastiques incarnent la terreur qui habite certaines de nos visions nocturnes.»

(Le mystère Jérôme Bosch - Peter Dempf)



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Le mystère Jérôme Bosch - Peter Dempf


2013 : Madrid. Le Prado. Le Jardin des délices, célèbre triptyque du peintre flamand Jérôme Bosch, a été vandalisé par un prêtre dominicain. Le religieux, convaincu que l’œuvre dissimule un dangereux secret susceptible de nuire à l’Église, a lancé du vitriol sur le tableau avant d’être maîtrisé par les gardiens du musée.

Restaurateur de tableaux, Michael Keie se voit confier la tâche délicate de remettre le triptyque en état. Très vite, il fait une découverte stupéfiante : à plusieurs endroits, les couches de peinture altérées laissent transparaître des symboles cachés. Avec l’aide de son collègue madrilène Antonio de Nebrija, un vieil érudit fantasque, Keie va tenter de déchiffrer ces signes étranges.

1510 : Petronius Oris arrive à Bois-le-Duc dans les Flandres pour travailler aux côtés de Jérôme Bosch. Alors que la cité est envahie par les sbires de l’Inquisition, Petronius découvre que Bosch, initié à un secret hérétique, travaille en secret à un mystérieux triptyque.

Avec ses deux enquêtes parallèles, l’une dans le présent, l’autre dans le passé, qui se font écho pour percer le secret du célèbre Jardin des délices, Peter Dempf fait preuve d’une incroyable érudition et nous offre un suspense magistral qui tient en haleine jusqu’à la dernière page.

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Chez Pocket.


Peter Dempf a été professeur d'histoire et de littérature allemande avant de collaborer à différents journaux allemands. Il écrit pour la jeunesse et pour les adultes.

Il a publié depuis 1983 une quinzaine de romans, des recueils de poèmes et des nouvelles.

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 Pour s’imprégner de l’atmosphère et en complément de lecture, L’Oeuvre de Jérôme Bosch chez Taschen.



mercredi 1 février 2023

Le luxe...

Lu aujourd’hui ce commentaire d’une lectrice concernant Christian Bobin et Sylvain Tesson : “Ils vivent ce qu’ils pensent…”. Il vivait en ce qui concerne Bobin…  Mais il n’a pas véritablement disparu, il est présent  par ses écrits intemporels. 
Le luxe absolu, c’est celui-là. Vivre ce que l’on pense et avoir l’opportunité de se faufiler dans les minuscules interstices que l’existence peut procurer. Les circonstances parfois vous ouvrent des portes insoupçonnées, ouvertes sur la liberté, la liberté de vivre ce que l’on pense.
Encore faut-il avoir la conscience aiguë de ces privilèges qui permettent une disponibilité d’esprit.
        Entreprendre des travaux conséquents est un peu comme entreprendre une randonnée inconnue, une minuscule aventure. Les aventures sont pleines de surprises et d’infimes embûches…  Parfois, il faut l’admettre cela agace, une fuite d’eau (ce si précieux breuvage qu’il ne faut pas gaspiller), une vanne qui rend l’âme et, la fatigue aidant, vous voilà au bord de l’abîme, écopant la misère de l’univers, une serpillère à la main… 
Et puis… Une nouvelle vous saute au yeux : La fondation Abbé Pierre donne ce chiffre effarant, il y a dans ce pays, 330 000 sans-logis, un chiffre qui a doublé en dix ans… Pour certains, pour beaucoup, pour trop… Les embûches peuvent être redoutables et devenir des tsunamis. Donc, vous mouchez votre nez avec le côté le moins humide de votre serpillère et vous vous dites que finalement avoir une vanne qui fuit signifie beaucoup de choses.  Tout d’abord vous avez de l’eau en suffisance et même davantage, vous faites des travaux d’embellissement, dans votre maison, une maison bien chauffée et agréable, une cuisine où il est bon de mijoter des recettes et des projets, cette vanne est “votre” vanne.  Vous songez que bientôt, aux beaux jours, vous  allez arpenter les sentiers et dormir ailleurs (dans votre roulotte confortable ou sous la tente ou  dans un gîte à la campagne  ou à l’hôtel) et non par nécessité mais pour vos loisirs…
Alors la fuite hein? Demain ou après-demain, tout rentrera dans l’ordre… 
Posséder une  conscience affutée, toujours attentif à la chance d’être préservé et vivre ce que l’on pense. Ce  luxe inouï,  cette  richesse d’esprit et la lucidité d’être libre, des dispositions  que je souhaite à beaucoup...

Au commencement…

Un bruit se fit entendre dans le sous-bois, peut-être était-ce une branche. Son craquement sec et sonore piqua la curiosité de l’animal. Pui...