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mercredi 26 janvier 2022

Au fil de l’eau qui respire…



Le rivière est semblable au chemin. On ne l’apprivoise qu’avec une “zénitude” absolue. Pour le flâneur, c’est la seule condition préalable. On parle ici du pagayeur contemplatif, il ne s’agit absolument pas d’Olympisme, c’est tout le contraire. De même que les randonneurs n’ont qu’un très lointain rapport (à part l’usage des jambes…) avec des “ Yohann Diniz”, avaleurs de kilomètres, les pagayeurs baladeurs n’ont strictement rien à prouver et aucune médaille à gagner  (un petit médaillon de foie gras avec un bon Sauternes frais à l’étape, là d’accord…).
La rivière est semblable à la montagne. Elle ne supporte que difficilement la présence de l’homme, vous êtes prévenu…
Vu d’ailleurs, le traitement que certains réservent à celles-ci - dépotoirs sur les sommets et épandages toxiques  dans les courants - , elles ne sont pas très rancunières. 
Descendre un cours d’eau pas trop méchant relève de la même philosophie que  de pouvoir arpenter un sentier désert et provoque la même euphorie légère. Le derrière dans le cockpit, le regard mêlant l’horizon et la bosse avant, le bruit de l’eau sur l’étrave, un moment d’exception.
Tout content d’avoir passé une minuscule "marmite", ne dérangeant même pas un couple de Farios. Regarder d’un air condescendant le haut-fond pierrier sur la rive droite en se disant tout bas que vous êtes resté dans le courant principal et que vous n’avez pas planté le bateau.
En harmonie avec la rivière, le bateau et corps travaillant avec les mouvements de l’eau, en osmose avec ce mouvant chemin qui respire…

mardi 25 janvier 2022

Dans les pas du camarade Sigeric…


989… Le camarade Sigeric de Canterbury, évêque de son état, est appelé à Rome. Il vient d’avoir une promotion. Le DRH de la société Dieu le Père et Dieu le Fils SARL - oui, la responsabilité est extrêmement limitée, la comptabilité étant impénétrable… -  veut le voir pour un entretien. Il veut lui remettre le pallium, bande de laine blanche marquée d’une croix (c’est marqué dessus comme le Port-Salut…) Ça en jette plus qu’un costard cravate, excusez du peu… Bande de mécréants.

Son voyage de retour de Rome vers Canterbury constitue le plus ancien blog de voyage du Nord de l’Europe. À l’époque, aucune crainte de tomber en panne de batterie pour décrire les 79 étapes de ce qui est la Francigena. Ils n’étaient pas sots nos vieux pérégrins…

Cette année, de temps à autre, je parlerai du premier tronçon français de la voie, cette partie qui va de Calais à Rocquigny à l’orée de la Somme. Une grande oblique tracée à travers le Pas-de-Calais. Pourquoi? Et bien comme ça… Parce que je ne vais pas me priver de parler des pierres du chemin et des petits zoziaux. Et puis je l’aime bien moi Sigeric, il porte un nom à figurer dans un roman d’Umberto Eco. Et puis, un type qui donne un sens à ses pas donne un sens à sa vie. Si vous ne me croyez pas, achetez-vous des sandales et allez crapahuter!



 

dimanche 23 janvier 2022

Franchir le cap.



Devant moi, sur le cap déserté, un rocher brun domine. Les quelques risées sur l’eau, que l’on repère par une couleur plus foncée à la surface, me disent force 3. Merci Francis Beaufort…

Un à trois nœuds si mes souvenirs sont bons… Je fais confiance à l’amiral. Un mile marin par heure, 1.852 km/h. Si vous en doutez, il ne vous reste plus qu’à vous procurer une corde avec des noeuds (beaucoup de noeuds…) espacés  de 14,4 m, une petite planche de bois, un sablier calibré à 28 secondes et accessoirement un bateau à voiles et de la patience. Sinon, et bien concluez tout simplement  que le temps n’est pas trop moche. À quelques mètres du chemin douanier, le grès s’est jeté dans la mer. Il s’est longtemps dit que la falaise  voulait  ainsi oublier la fée qui parfumait la lande et l’avait envoûtée. Les goélands, d’un trait de plume, biffent le ciel du Détroit. C’est un contrat perpétuel qui me lie avec eux… La prairie à ma gauche gardent les bonnes odeurs de pluie de la nuit. Des petits oiseaux fourbus et essoufflés nichent dans les rares buissons cramponnés aux creux des blessures de la glaise. Le détroit ordonné aligne   en chapelet les navires en partance, on voit des ombres mauves sur les lueurs de Douvres. Un chaos immense et désert succède aux flancs abrupts de la falaise. Des éclats de rochers pointent comme des chicots aiguisés et mis à nu par l’érosion.

C’est un paysage farouche où survivent  des fleurs réfractaires à la sécurité des jardins. De lignes de grès en ligne de grès, la  silhouette massive  des anciens bunkers, postés irrégulièrement sur les prés déserts, verrouillent cette paisible bataille  comme autant de sentinelles oubliées…

Parvenu sur le cap, je reçois sur  la figure ce vent puissant, plein de vie. C’est l’effet de pointe, le vent qui accélère pour maintenir sa vitesse, ce n’est pas un Gris Nez qui va le gêner… Ni un  ciel d’Angleterre. Le cap est ancré  comme un soc, en bas, s'agitent au flot des bouquets d’algues crinières.

Je n’ai plus  jamais revu autant d’oiseaux qu’à cette marée là. Il y avait là une multitude

d’ailes et de duvet…  Je garderai le mieux possible les odeurs du matin parce que fragiles sont les souvenirs de sable. Nous avons  beau tenter  de les maintenir, c'est inutile car  déjà dans la vague s’étire un filet d’heures salées.

Les goélands, d’un trait de plume, biffent le ciel du Détroit. Ciel et eau sont clairement paraphés pour ma concession perpétuelle et pourtant infiniment fragile…  



 

mercredi 19 janvier 2022

En lisière...

 



Imaginons-nous une existence sans compétitions? C’est possible, sur les chemins justement. Loin des rubans bitumés, habituellement livrés aux stakhanovistes de l’effort, l'œil fixé sur la montre connectée et totalement hermétique à l’environnement. Le dimanche matin, le stress du travail est remplacé par le stress du chrono… 

Marcher sans horloge en empruntant la route retrouvée  d’un très vieil écolier, attentif aux changements de paysages.

Aucun moteur, aucune conversation oiseuse donc… Inutile. La liberté ressentie comme un territoire reconquis.

Le chemin parcouru en tête à tête avec soi-même est un monde parallèle. Vous avez traversé le miroir et plus véritablement envie de revenir en arrière. Adieu les lapins blancs toujours en retard, en retard, en retard! Nous vous laissons à vos danses saugrenues.

La relativité du père Einstein n’a plus de secrets pour vous car le temps n’a pas la même densité avant l’auberge et après l’auberge… Tout est question de carburant. Que vous importe votre moyenne horaire! Pour l’indigène amusé que vous croiserez au détour d’un pré, que vous marchiez à 4 km ou 5 km heure ne transformera pas son existence. En clair, il s’en fiche comme de sa première paire de brodequins.

Un espace où l’on cesse d’être le premier des… Ou le dernier des… Le plus ceci , le moins cela… Nul besoin de tricher donc, puisque l’enjeu de ce bonheur éphémère passe par la sincérité et qu’il n’y a absolument rien à gagner. L’homme est un animal marcheur et l’interprétation   la plus libre de  la marche est de pouvoir se rendre nulle part en particulier.  La déambulation sans objet tel Arthur parcourant la Rimbaldie. 

En 2022, acheter du temps est un luxe inouï, en avoir conscience, un privilège rare. 

Ainsi vit le Sherpa du Moutier.



mardi 18 janvier 2022

Les "3 D".



Les “ 3 D” d’une randonnée ou d’une étape : distance, dénivelée et durée. Les trois dimensions d’une minuscule aventure humaine. Évaluer sur la carte ce que seront  vos impressions, votre ressenti, est un jeu. Les bleus deviendront eau courante ou stagnante, les verts deviendront forêt, taillis et prairies et les fines lignes bistres orangées se ressentiront dans les jambes si la pente se fait plus raide. Les cartes sont les supports d’un scénario probable mais incertain… Pas de pluie dans le salon, et pas de vent sur le bureau… Mais l’histoire se décline au 1/25000ème dans une production  non pas de la MGM mais de IGN.

Une rando de papier donne la perspective de jours plus lumineux et de la pratique d’une  autre sorte de solitude consentie. On consulte le menu par avance mais en gardant la surprise de la découverte, les plats seront légers ou parfois indigestes mais vous avez déjà faim. Ce petit rectangle noir au détour de ce tracé gris, une ferme abandonnée, une grange? Nous n’en savons rien, ce sont les éléments de cette minuscule aventure.

J’aime bien les GPS, outils pratiques. On apprécie les GPS comme des ustensiles commodes mais le GPS ne fait pas rêver… On rêve devant une planche et des madriers, on ne rêve pas devant un marteau (à moins d’être un tueur en série…). C’est là toute la différence. Hormis le fait que la lecture d’une carte peut se faire même sous couverture nuageuse, même sous le couvert d’une forêt, la carte ne tombe jamais  en panne de batteries et nec plus ultra,  la carte fait rêver… 

La projection conique de Lambert devient la projection d’un songe. 

Les “3 D” deviennent alors déambulation, découverte et début de l’aventure minuscule…



 

lundi 17 janvier 2022

Même pas mal...


Le Sherpa du Moutier est pour l’instant plus “Moutier” que Sherpa… Pour cause de sciatalgie hivernale récurrente mais néanmoins taquine. La douleur et une relative immobilité te ramènent à ta fragile nature face aux aléas de la trajectoire humaine. Paradoxalement, cet état te rend davantage conscient d’être en vie. Faute de pouvoir déplacer ta carcasse, il te reste, heureusement, la possibilité de déplacer ton esprit. Parcourir les lignes, traverser les chapitres, c’est un peu tracer la piste. C’est avancer dans la connaissance de soi par la connaissance des autres… Des vrais…
C’est par exemple, écouter converser  Bernard Campan et Alexandre Jollien, ces deux-là se disent avec humour que l’on ne naît pas homme, on le devient… Il y a comme ça de par le monde des “êtres-oxygène” qui aide à respirer dans cette époque de marasme. Ce tohu-bohu chaotique où les crétins sont légions avec leur cortège d’ignorances, de lieux communs, d’idées reçues où finalement les abrutis sont fiers d’être des brutes. Les pathétiques “c’était mieux avant” accrochés à leurs reliques rétrogrades comme des moules à leurs rochers. C’est à cet instant que l’on se dit : Ah! Les bienfaits de l’intemporalité. Oh! Les bienfaits du silence… La parole, lorsqu’elle est rare, se révèle plus intense et de ce fait l’attention s’en trouve renforcée.
Les bienfaits de la soixantaine  tranquille se situent bien dans cette idée : ne plus avoir le temps pour les clichés, les importuns aux tristes rêves. Avec dérision, c’est peut-être la vision de trop nombreux westerns qui me fait dire que je reconnais de loin les hommes à la langue fourchue… Ceux-là sont condamnés irrémédiablement au pilori de l’indifférence,  la sagesse se doit d’être un réducteur d'égos plutôt qu’un chasseur de têtes. Il ne  faut  s’entourer que de gens vrais, sans artifices mais avec la sincérité des véritables  gentils.  Là, vous respirez mieux.
Pour cultiver la sérénité il faut avoir été heureux La perception du bonheur ne se trouve que dans la simplicité, l’entretien d’une naïveté que l’on construit dans le silence d’un jardin, un jardin de cloître… 
Être Sherpa et bien même pas mal!
 

Le Sherpa du Moutier.

Le Sherpa du Moutier.  Titre étrange… L’image est pourtant claire. Nous sommes des Sherpas qui, tout au long de notre vie, portons nos charges et pour qui, endosser le sac à bretelles n’est pas véritablement une contrainte. Il suffit de le poser dans le lieu choisi pour bénéficier de la meilleure vue possible.

Le Moutier ou  Münster ou Mouster, en toponymie le monastère… Rien n’est plus propice à la réflexion qu’un cloître. C’est dans l’absolu silence que se trouvent les vérités sans fard.

Le Sherpa du Moutier est une relation épisodique de voyages… Intérieurs ou extérieurs, minuscules ou étendues. Le désert immense ou le bout du jardin relèvent de la même espèce. Tout n’est simplement question que de regard et de ressenti.

Sur le chemin et sur  ce qui reste de celui-ci, sentir la charge sur les épaules c’est finalement se sentir vivant.

Dans la quiétude du cloître que l’on s’est sereinement construit, être face à soi-même dans le bienfaisant silence c’est continuer le voyage.

Ainsi vit le Sherpa du Moutier.




 

Au commencement…

Un bruit se fit entendre dans le sous-bois, peut-être était-ce une branche. Son craquement sec et sonore piqua la curiosité de l’animal. Pui...