Devant moi, sur le cap déserté, un rocher brun domine. Les quelques risées sur l’eau, que l’on repère par une couleur plus foncée à la surface, me disent force 3. Merci Francis Beaufort…
Un à trois nœuds si mes souvenirs sont bons… Je fais confiance à l’amiral. Un mile marin par heure, 1.852 km/h. Si vous en doutez, il ne vous reste plus qu’à vous procurer une corde avec des noeuds (beaucoup de noeuds…) espacés de 14,4 m, une petite planche de bois, un sablier calibré à 28 secondes et accessoirement un bateau à voiles et de la patience. Sinon, et bien concluez tout simplement que le temps n’est pas trop moche. À quelques mètres du chemin douanier, le grès s’est jeté dans la mer. Il s’est longtemps dit que la falaise voulait ainsi oublier la fée qui parfumait la lande et l’avait envoûtée. Les goélands, d’un trait de plume, biffent le ciel du Détroit. C’est un contrat perpétuel qui me lie avec eux… La prairie à ma gauche gardent les bonnes odeurs de pluie de la nuit. Des petits oiseaux fourbus et essoufflés nichent dans les rares buissons cramponnés aux creux des blessures de la glaise. Le détroit ordonné aligne en chapelet les navires en partance, on voit des ombres mauves sur les lueurs de Douvres. Un chaos immense et désert succède aux flancs abrupts de la falaise. Des éclats de rochers pointent comme des chicots aiguisés et mis à nu par l’érosion.
C’est un paysage farouche où survivent des fleurs réfractaires à la sécurité des jardins. De lignes de grès en ligne de grès, la silhouette massive des anciens bunkers, postés irrégulièrement sur les prés déserts, verrouillent cette paisible bataille comme autant de sentinelles oubliées…
Parvenu sur le cap, je reçois sur la figure ce vent puissant, plein de vie. C’est l’effet de pointe, le vent qui accélère pour maintenir sa vitesse, ce n’est pas un Gris Nez qui va le gêner… Ni un ciel d’Angleterre. Le cap est ancré comme un soc, en bas, s'agitent au flot des bouquets d’algues crinières.
Je n’ai plus jamais revu autant d’oiseaux qu’à cette marée là. Il y avait là une multitude
d’ailes et de duvet… Je garderai le mieux possible les odeurs du matin parce que fragiles sont les souvenirs de sable. Nous avons beau tenter de les maintenir, c'est inutile car déjà dans la vague s’étire un filet d’heures salées.
Les goélands, d’un trait de plume, biffent le ciel du Détroit. Ciel et eau sont clairement paraphés pour ma concession perpétuelle et pourtant infiniment fragile…
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