“J'ai décidé de ne plus rien décider,
d'assumer le masque de l'eau,
de finir ma vie déguisé en rivière,
en tourbillon, de rejoindre à la nuit
le flot ample et doux, d'absorber le ciel,
d'avaler la chaleur et le froid, la lune
et les étoiles, de m'avaler moi-même
en un flot incessant.”
Homélie
“Ces quelques règles de vie simples à respecter – un stylo noir la nuit, un stylo en or en plein jour, éviter nourritures trop tristes et main un peu lourde sur le whiskey, ne pas pointer une arme à feu vers soi, ne pas canarder en poussant le cri-cri de la bécassine , ne pas utiliser d'essence comme fluide de démarrage, ne pas lire de journaux cochons sous le nez des hôtesses de l'air
– ça arrive tout le temps; il est temps d'arrêter de nettoyer son assiette, temps d'oublier l'anniversaire des morts, de donner tout ce qu'on peut aux pauvres.
ça pourrait continuer comme ça longtemps et d'ailleurs ça ne va pas manquer : qui peut choisir entre l'animal sur la route et le fossé? Un magnum pour déjeuner c'est un peu trop mais pas assez pour dîner. Lustrez les étoiles réelles la nuit comme un homme invisible caresse un chien, un homme bien réel, le souvenir d'un chien perdu sous le treillage de la belle-de-jour quarante ans plus tôt. Dansez avec vous-même de tout votre cœur de toute votre âme, de temps en temps avec d'autres, mais ne mangez pas toutes les baies que mangent les oiseaux sinon vous mourrez. Embrassez-vous dans le miroir mais ne tombez pas amoureux des photos de jeunes filles dans les magazines. Ne tombez pas amoureux comme si vous tombiez dans un trou du plancher dans une maison abandonnée, ou bien d'un quai la nuit, ou dans une crevasse recouverte d'une couche de poudreuse, vache qui se débat dans les sables mouvants tandis que les autres vaches regardent sans intérêt particulier, ou bien encore en arrière d'une corniche qui s'effrite. Ne tombez pas amoureux de deux à la fois. Du plafond, vous voyez bien le cercle que forment les trois, quoique l'une puisse être ailleurs. Il est déchiré, il se déchire lui-même, il danse, il tournoie si vivement que tout ce qu'il est vraiment vole de tous côtés. Il se recroqueville comme un papier froissé mais se lève chaque jour d'entre les morts.”
Théorie et Pratique des Rivières - Jim Harrison
d'assumer le masque de l'eau,
de finir ma vie déguisé en rivière,
en tourbillon, de rejoindre à la nuit
le flot ample et doux, d'absorber le ciel,
d'avaler la chaleur et le froid, la lune
et les étoiles, de m'avaler moi-même
en un flot incessant.”
Homélie
“Ces quelques règles de vie simples à respecter – un stylo noir la nuit, un stylo en or en plein jour, éviter nourritures trop tristes et main un peu lourde sur le whiskey, ne pas pointer une arme à feu vers soi, ne pas canarder en poussant le cri-cri de la bécassine , ne pas utiliser d'essence comme fluide de démarrage, ne pas lire de journaux cochons sous le nez des hôtesses de l'air
– ça arrive tout le temps; il est temps d'arrêter de nettoyer son assiette, temps d'oublier l'anniversaire des morts, de donner tout ce qu'on peut aux pauvres.
ça pourrait continuer comme ça longtemps et d'ailleurs ça ne va pas manquer : qui peut choisir entre l'animal sur la route et le fossé? Un magnum pour déjeuner c'est un peu trop mais pas assez pour dîner. Lustrez les étoiles réelles la nuit comme un homme invisible caresse un chien, un homme bien réel, le souvenir d'un chien perdu sous le treillage de la belle-de-jour quarante ans plus tôt. Dansez avec vous-même de tout votre cœur de toute votre âme, de temps en temps avec d'autres, mais ne mangez pas toutes les baies que mangent les oiseaux sinon vous mourrez. Embrassez-vous dans le miroir mais ne tombez pas amoureux des photos de jeunes filles dans les magazines. Ne tombez pas amoureux comme si vous tombiez dans un trou du plancher dans une maison abandonnée, ou bien d'un quai la nuit, ou dans une crevasse recouverte d'une couche de poudreuse, vache qui se débat dans les sables mouvants tandis que les autres vaches regardent sans intérêt particulier, ou bien encore en arrière d'une corniche qui s'effrite. Ne tombez pas amoureux de deux à la fois. Du plafond, vous voyez bien le cercle que forment les trois, quoique l'une puisse être ailleurs. Il est déchiré, il se déchire lui-même, il danse, il tournoie si vivement que tout ce qu'il est vraiment vole de tous côtés. Il se recroqueville comme un papier froissé mais se lève chaque jour d'entre les morts.”
Théorie et Pratique des Rivières - Jim Harrison
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire