Pour Charlotte,
Continue de construire des cabanes contre les loups avec ta petite couverture bien douce… Et surtout ne grandit pas trop vite, les loups ne sont pas toujours ceux que l’on croit…
26 février de l’année 2019, et le soleil brille, rutilant. Le ciel, bleu comme la capote d’un poilu, caresse gentiment les tuiles rouges des maisons rectilignes. Je regarde par la fenêtre, un chat est juché sur le rebord d’un balcon, et la poussière brille sous le sapin, saupoudrant, aérienne et subtile, le gazon avec une délicatesse appropriée.
La rumeur de la ville gronde en sourds borborygmes jusqu’à l’impasse. Les premières jonquilles sont frileuses et prudentes ; mais la lumière trompeuse les incite et les embobine jusqu’à ce qu’elles entrouvrent leurs corolles. Il n’y a pas un seul nuage, ne subsiste plus qu’un pâle couvercle de faïence de Delft qui garde au chaud la rue paisible.
Cela me rappelle une gravure qui se trouvait dans ma classe de Cours Élémentaire de l’école Michelet. C’était une gravure des éditions Bourrelier, d’une sérénité parfaite, qui représentait un jour de marché sur une place, la représentation d’un monde idéalisé. Des passants souriants et affables. Des marchands aimables et des écoliers rieurs posaient pour l’éternité…
Il y a une phrase dans je ne sais plus quel Maigret de Simenon où le célèbre commissaire prononce cette phrase : « Tout petit, j’aurai voulu être raccommodeur de destins… »
Les années ont passé et s’estompent maintenant dans la ronde incessante des jours. Je rêvais souvent lorsque j’étais enfant… Je rêve encore d’ailleurs. J’ignore ce qu’est devenu cette affiche ? Elle fait peut-être la joie d’un collectionneur qui s’achète des morceaux d’enfance de peur d’oublier cette candeur qui disparaît…
Il me tarde de retrouver la douceur des jours, cette lumière si douce des après-midis de Flandre. Ces ambiances qui m’apportent la fraîcheur des jours d’avant… Ces balades qui me laveront la tête de ces trois derniers mois… Ces dernières semaines où j’ai entendu et vu ce qui semble être le pire de la nature humaine... Finalement, existe-t-il des destins qui méritent d’être réparé ? Il est permis d’en douter lorsque l’on voit les vieux démons ressurgir, les éructations et les vociférations gratuites et ineptes…
A presque soixante ans, ma quête n’est charpentée que par la recherche de l’ignorance, car c’est cette simplicité, cette naïveté retrouvée des choses qui donne du sel à l’existence.
Je suis dans le salon et me voilà à mon bureau ; près de moi, ma conscience poilue et soyeuse, la chatte Minouche dort comme une bienheureuse. Hier, deux ou trois perruches se sont posées dans le pommier pour y manger les graines déposées plus tôt…Il n’y a rien d’autre, uniquement l’essentiel.
L’année dernière, au cœur de juillet, j’ai souvent écouté les silences de la nuit. Silence des plus relatifs d’ailleurs… On entendait le bruissement des feuilles, l’agitation des branches, toute la petite faune des bois qui tenait assemblée, au creux des taillis, loin des hommes. Et là, j’ai compris que le seul discours recevable était ce message, le seul langage recevable tel quel, sans interprétation aucune… Cet éloquent silence contenant toutes les philosophies du monde.
A presque soixante ans, j’ai appris que pour avancer, il fallait oublier pratiquement tout ce que l’on avait appris, car seul l’instinct demeure et perdure. Les discours creux ne sont souvent que les oripeaux d’une société malade de bruit et de fureur où le verbe avoir a remplacé le verbe être…
J’ai la prétention de devenir un imbécile bienheureux et j’y travaille.
Loos, le 26 février 2019.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire