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jeudi 7 juillet 2022

Les racines et le grand air.

 

« C’est plein d’horizon
A vous rendre fou
Mais l’alcool est blond
Le diable est à nous
Les gens sont d’Espagne
On a besoin des deux
On fait des montagnes
Avec ce qu’on peut »

« La Bière – Jacques Brel »

Il est fait ainsi mon pays de légendes et d’espaces infinis. Ce matin, le soleil s’est enfui, gêné, je pense, d’éclairer tant d’ignominies. Mais parfois, ici, le ciel explose en un bleu comme nulle part ailleurs...  
Un ciel de faïence de Delft comme les précieuses assiettes du dimanche que serraient ma grand-mère sur l’immense buffet de la cuisine.
Il est fait ainsi ce pays que l’on pense gris et misérable.
Jacques Brel a raison (ce n’est pas l’inconditionnel que je suis qui dira le contraire…) dans ce pays plat aussi plat qu’un plat (merci aussi à Dick Annegarn…) ce sont les femmes et les hommes qui sont des montagnes, des montagnes de générosité et d’émotions

Jadis…De la dignité et des principes pour accepter la misère et les duretés du temps. Le panneau de bois peint sur le mur de la cuisine : « God ziet mij – Hier vloekt men niet » « Ici, on ne jure pas, l’œil de Dieu vous regarde… ». Austérité de l’aïeule ; révolte des fils, les jours étaient trop pénibles…
Révoltes…Grèves… Emeutes… 1936… Guerre d’Espagne… Francs-Tireurs et Partisans… No Pasaràn ! Où êtes-vous Yvon et Jean ? Disparus dans le bruit d’acier froid des wagons à bestiaux vers… l’enfer… 1943… 
2018…La vie continue, la haine également… Les extrémistes et les bourreaux changent de couleurs, mais gardent leurs idéologies mortifères… Pourquoi demande-t-on toujours aux hommes de choisir un camp ?
Ici, on ne jure pas, l’œil de Dieu vous regarde ». Je jure tout le temps, par rébellion, par respect filial… « Les rouges… Les blancs… Les méchants… Les gentils… » Pourquoi demande-t-on toujours aux hommes de choisir un camp ?

Femmes et hommes-montagnes, c’est ici que sont plantées profondes mes racines. Comment pourrai-je être d’ailleurs ? Nier c’est déjà mentir. Je suis d’ici, oui, mais je me nourris d’autres courants, d’ autres souffles d’air, du vent du sud et du vent du nord… Le partage, c’est le grand air.  La haine étouffe les racines et brouille l’horizon, masquant le ciel et les perspectives.
Mon pays est ainsi fait, oscillant entre colère et ironie, balançant entre gaudriole et tragédie. Derrière les mots de comptoir, derrière les mots de tous les jours, l’émotion n’est jamais bien loin…
On est toujours de quelque part. Moi je suis fait de brumes et de canaux, je suis fait de ciels immenses et de beffrois… Je suis pétri de la terre des labours et bâti de briques rouges. Je suis la fatigue du soir et la chaleur rouge du grand jour. Je suis la buée sur les chopes mousseuses, j’ai la hauteur des géants de papier et de rotin. Je suis la folie du carnaval et la raison butée du flamand. Je suis la liesse des chansons à boire et la tristesse des jours de pluie. Le désespoir, aussi… Mon vieux septentrion palpite dans mes veines.
Gens du Nord, bras ouverts vers l’horizon qui flambe, gens d’espoir et d’humanité.

« Mon père disait
C’est le vent du Nord
qui transperce les yeux
Des hommes du Nord
Jeunes ou vieux
Pour faire chanter
Des carillons de bleu
Venus du Nord
Au fond de leurs yeux.

Jacques Brel « Mon père disait »

Loos, le 28 mars 2018

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