Février est un mois revêche comme une gouvernante aigrie… Certains jours, il compense son triste état par de magnifiques ciels bleus. Une fourberie de plus lorsqu’il fait moins quelque chose en centigrades (mieux vaut éviter la conversion en fahrenheit, beaucoup plus déprimante…) Qu’importe, les gouvernantes aigries ont droit au maquillage, le fard masquant l’acrimonie pour un instant.
On se met à rêver à de longues escapades le long d’une grève à marée basse, scrutant l’estran et les flaques sans cesse renouvelées. Crevettes et crabes mous se partagent la colocation avant que je passe ramasser le loyer… À la montante, dans le ressac, ce petit monde goûtera au premier flot, un lancer à droite de la tête de roche, un autre à gauche selon le jeu changeant des courants de marée. De grands lisses d’eau se troublent en friselis, dessous le substrat est plus lourd, personne ne le voit, sauf vous… Et les bars sont méfiants comme des douaniers! Le flux et le reflux forment d’éphémères rivières où les sprats insouciants paradent en procession.
On se met à rêver à des nuits d’été pour observer la petite faune des bois. Rester les yeux grands ouverts dans l’obscurité pendant le premier quart d’heure, moment où la pupille se dilate au maximum… Et devenir un héros aux supers pouvoirs : les yeux moins efficients laissent la place à l’ouïe et les bruits familiers deviennent un concert : l’aboiement d’un chien, le pas d’une vache dans le pré voisin, un moteur très lointain, tout cela s’estompe et avec de la patience dans le sombre de la nuit, vous entendrez le frou-frou d’un oiseau qu chasse et vous regarderez virevolter les chauves-souris autour des arbres bruissants…. Une certaine idée de l’éternité.
On se met à rêver à des travaux essentiels : appuyer quelques bois morts sur un tronc ou sur une roche pour se confectionner une cabane abritant des regards et du vent, retrouver les gestes de nos vieux camarades du paléolithique...Rajeunir de 40 000 saisons, rien de tel pour se sentir vivant… Écouter la lente conversation des grands arbres ignorant les humains et ne s’en trouvant pas plus mal.
On se met à rêver à des traversées de nature en toute discrétion en veillant à causer le moins de dérangement possible. Sans mouvements brusques et en silence, contre le vent pour ne pas déranger le brocard étonné ou l’écureuil indifférent.
Février n’est pas éternel, il a beau se masquer, il ne trompe personne… Ce ne sont pas les crêpes qui nous feront aimer ce froidureux pantin.
Il vaut mieux se cacher et se mettre à rêver...
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