Lieu et temps :
En Flandre, dans la principauté de Breugellande, l’an tantième de la création du monde. » La Balade du Grand Macabre – Michel de Ghelderode.
Finalement, rien n’aurait véritablement changé… Si ce n’est la rapidité de la transmission et l’abondance des mauvaises nouvelles peut-être ?
Google Actualités et Facebook ne seraient que les modernes avatars d’un Nekrozotar, cet imposteur atteint de folie qui, au passage dans le ciel d’une néfaste comète, vient annoncer pour minuit la fin du monde aux habitants de Breugellande …
Le Grand Macabre a été écrit en 1935. Prémonition du grand show qui fit plus de cinquante millions de victimes… Farce débridée, truculente, digne de Rabelais. De Ghelderode est notre Rabelais, les canaux ont simplement remplacé la Loire.
Ses personnages triviaux et monstrueux nous hantent : fous, tarés, ivrognes et fourbes. Des monstres ordinaires que nous croisons chaque jour, des agités véhéments comme il en fleurit à longueur de commentaires débridés sur les journaux en ligne et les réseaux que l’on qualifie bizarrement de « sociaux » . C’est une pièce moderne car elle nous parle de la vulgarité et de la cruauté humaine.
Nous rions de nos propres angoisses, de nos propres failles. Le carnaval n’est-il pas la justification de nos ambivalences ? Avec le Grand Macabre, Michel de Ghelderode rejoint les toiles de Brueghel mais surtout celle de Jérôme Bosh ou d’Hans Holbein, dit l’Ancien…
Les fontaines de bière ne parviennent jamais tout à fait à étouffer les feux de l’enfer. Les diablotins fourchus s’invitent dans le chahut dansant d’un rigodon débridé.
La mort, thème récurrent en Flandre, vient faire une virée sur terre pour y faire sa moisson.
De chapelle en chapelle, emportée par la fête, elle se laisse entraîner à boire au point d’être ivre « morte » … Près du Mont-Noir, à Heuvelland, n’avons-nous pas l’Estaminet Hellekappel, la chapelle du Diable… Donc, nos sacrés flamands ont vaincu la mort, à coup de Trappiste et autres mousseux breuvages… En attendant la fin du monde.
Mais n’oublions pas qu’ici comme en Breugellande, tout n’est que faux-semblant et mascarades, déguisement. Nekrozotar n’est qu’un pantin se prenant pour la camarde…
L ’honneur et le comique sont saufs. Les bien-pensants, les bien-cruels et les méchants ont disparus, seuls demeurent les francs compagnons.
Parce qu’ici, la vie et l’espoir ont toujours le dernier mot.
Goulave, prends les mains de ses amis
« Écoutez, mes féaux. D’un tombeau sort la vie. Il faudra nous conduire de sorte que les hommes de l’avenir ne pleurent autrement que de joie. Comme je fais… (Il essuie une larme.) Et que je vous embrasse, la fraternité n’étant pas une vaine inscription. Soudards, sonnez. C’est le moment de boire en Breugellande. Sonnez vers le soleil ! ... »
Les trois amis s’embrassent. Les soudards jouent du clairon et bondissent joyeusement. »
Rideau
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